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emmanuelle&jp
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30 mars 2011

Une lutte contre la pauvreté efficace et rapide

Issus de familles très pauvres, les cent élèves sélectionnés tous les ans pour suivre une formation professionnelle à Sala Baï sont totalement pris en charge par Agir pour le Cambodge. Vous devinez aisément que la sélection doit être effectuée avec le plus grand soin pour s’assurer que cette formation sera dispensée aux plus motivés des candidats nécessiteux. Un processus long de six mois et dont la seconde phase, la plus essentielle et la plus longue, est la visite des familles des candidats pour vérifier le niveau socio-économique de revenus de moins de 25 $ par mois.

 
La phase de visites des familles est entièrement effectuée par les travailleurs sociaux de Sala Baï et c’est avec le responsable de l’équipe que je suis partie dans le district de Pouk à une quarantaine de kilomètres au Nord de Siem Reap, mais à 1h20 de route. Lors des premières élections au Cambodge, ce district avait voté pour les Khmers Rouges…  Beaucoup d’hommes sont d’anciens militaires reconnaissables aux tatouages particuliers dont leurs torses sont ornés. Peu d’ONG sont allées dans cette région accessible bien après la mort de Pol Pot en 1998 en raison des combats. Peu de projets humanitaires donc, et encore moins de projets de développement. Le fin fond du district de Pouk est demeuré en dehors de toute aide.
A Pouk, on quitte la route 6 asphaltée vers la Thaïlande. On bifurque à droite et, 200 mètres plus loin, une magnifique piste en latérite en très bon état défile son long ruban ocre si agréable à emprunter. On la quitte pour tourner de nouveau à droite sur un chemin de terre glaise dont les trous sont régulièrement comblés par des pelletées prises sur les bas-côtés, bonjour creux et bosses. Plus de voitures sur ces chemins, les ponts rudimentaires ne leur laissent aucune chance de passer. Du reste, il vaut mieux traverser à pied pour alléger le poids de la moto. Et plus on s’enfonce dans la campagne plus les chemins rétrécissent pour les voir réduits aux traces des passages d’hommes ou de vaches sur les monticules séparant les rizières.

route_1

route_2

route_3

Pour trouver les maisons des candidats, le plus simple est de montrer la photo du dossier. Tout le monde connait tout le monde, adultes ou enfants.

indication2

indications

Si la pauvreté est plus ou moins prégnante, elle est atténuée par un souci de plantation de fleurs chez certains mais elle saute aux yeux dans les familles monoparentales ou les familles d’orphelins dénuées de tout où la survie davantage que la propreté, est la plus grande préoccupation.

Maison_2

Maison_1  

Les intérieurs des maisons sur pilotis accessibles par une échelle, se composent généralement d’une seule pièce où des nattes sont déroulées pour la nuit et d’une partie plus ou moins grande réservée au riz, le bien le plus précieux. Sous la moustiquaire, dorment six enfants… dans l’autre, un hamac a été tendu pour un neveu que les oncles et tantes, jeunes orphelins, gardent de temps à autre. La réserve de riz est là arrimée au poteau central de la cahutte.

int_rieur_1

int_rieur_2   

La rencontre avec les familles est toujours touchante. Elles ne sont pas prévenues de la visite, volontairement inopinée pour éviter toute mise en scène. Sur les sept familles que nous avons vues ce jour-là, nous n’avons rencontré que deux jeunes filles candidates. De l’avis de Khemara : « je préfère les savoir partis travailler pour rapporter de quoi nourrir leur famille, que de les voir attendre à ne rien faire ». Ces deux jeunes postulantes revenaient du collège. Agées tout juste de 17 ans, elles sont actuellement en  4ème et Khemara les a incitées à poursuivre jusqu’à la 3ème où l’équivalent de notre BEPC serait leur premier diplôme. La déception flagrante n’a été consolée que par les encouragements de Khemara à parfaire leur éducation et à augmenter leurs chances d’être acceptée à Sala Baï l’année prochaine.  Une façon aussi de tester leur motivation et leur persévérance. La troisième dans cette situation était partie se faire embaucher sur un chantier pour quelques centaines de riels. Sa mère terriblement déçue a accusé le coup, d’autant que son mari avec une balle dans son épaule droite a de plus en plus de mal à travailler nous a-t-elle assurés. Mais d’expérience, le manque de maturité est un des freins à la réussite, la motivation étant incertaine.

candidate_1

candidate_2

m_re_de_candidate

Et puis il y a celles dont les enfants ont été admis à passer l’examen écrit, la troisième étape du recrutement. Là, l’émotion est grande et les grands-mères, mères ou sœurs s’appliquent à signer en apposant leur emprunte du pouce, une façon ancestrale pour marquer l’engagement et la motivation des familles à laisser leur enfant étudier. Une manière aussi d’éviter toute illisibilité et toute falsification.

signature_1

signature_2

Quoi de plus banal que cette maison en construction sur le bord de la piste en latérite ? Son originalité réside dans le maître d’œuvre. Une élève de la 4ème promotion (2005-06) a réussi à mettre suffisamment d’argent de côté pour la faire construire par son père pour ses parents, en face du lycée du district. Sa mère y aura toute la clientèle voulue pour vendre ses bonbons de sucre de canne. Un projet de 5000$. Je ne sais qui était le plus fier, de Khemara ou du père, que j'ai malencontreusement coupé sur la gauche.  

fin

En trois mois,  jusque fin avril, les travailleurs sociaux seront allés voir 414 familles dans 12 provinces du Cambodge. L'épreuve écrite aura lieu le 5 mai, l'entretien étalé sur 3 semaines en juin pour une publication des 100 heureux élus fin juin.

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Commentaires
Z
Quel travail extraordinaire et j'espère que les deux jeunes filles seront au rendez-vous l'année prochaine. Merci pour ce reportage, ancré dans la réalité de ce que vivent les familles dont les enfants ont la chance d'aller étudier à Sala Baï. Pourquoi ne pas utiliser ce récit dans la newsletter SB du mois prochain ?
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